Communiqué
Pourquoi les châtiments corporels ne sont toujours pas interdits en France malgré la loi du 22 décembre 2016
Le 22 décembre 2016 a été adoptée définitivement par le parlement français la loi Egalité et citoyennetéi. Différents médias ont annoncé que cette loi abolit les châtiments corporels en France.
Cette affirmation nous semble totalement infondée.
En effet, l’article 68 de la loi Egalité et citoyenneté est ainsi rédigé :
« Le deuxième alinéa de l’article 371-1 du code civil est complété par les mots : « et à l’exclusion de tout traitement cruel, dégradant ou humiliant, y compris tout recours aux violences corporelles ». »
Cet article de la loi n’interdit pas les « châtiments » ou les « punitions » corporels dans l’éducation familiale :
– parce qu’il ne mentionne pas les châtiments corporels
– parce que les juges français considèrent, depuis des années, que les châtiments corporels ne sont pas des violences et que les parents ont un droit de correction qui inclut le droit d’infliger des punitions ou des châtiments corporels (claques, fessées et autres)ii.
Cette loi ne change rien à la législation française :
– parce que les violences faites aux enfants sont déjà interdites par le code pénal, en conformité avec la Convention internationale des droits de l’enfant.
Cette loi ne correspond absolument pas aux demandes des instances internationales qui demandent une abolition claire et explicite des châtiments corporels par une loi :
il suffit de rappeler les attentes du Comité des droits de l’enfant de l’ONU qui sont d’une grande clarté sur ce point, comme le rappelle l’association de référence en la matière, Global Initiative to End All Corporal Punishment of Children, sur son site Internet :
« La réforme de la législation pour interdire les châtiments corporels signifie que l’on garantit que les enfants sont légalement protégés contre les agressions tout comme les adultes – même lorsque l’agression est infligée sous la forme de « discipline » ou de « correction ». Les châtiments corporels doivent être interdits dans tous les contextes de la vie des enfants, y compris la maison familiale, les établissements de soins de remplacement, les garderies, les écoles, les établissements pénitentiaires et comme condamnations pour crimes relevant de la législation étatique, coutumière et religieuse.
La prohibition est obtenue lorsque:
– toutes les justifications et les autorisations de châtiment corporel sont abrogées
– et que la législation interdit explicitement tous les châtiments corporels et autres punitions cruelles et dégradantesiii. »
L’association Global Initiative to End All Corporal Punishment of Children précise également sur son site Internet :
« Comme l’explique le Comité des droits de l’enfant dans son Observation générale n° 8 :
« Compte tenu de l’acceptation traditionnelle des formes violentes et humiliantes de châtiments infligés aux enfants, un nombre croissant d’États ont reconnu qu’abroger seulement l’autorisation des châtiments corporels et leurs diverses justifications ne suffisait pas. La prohibition explicite des châtiments corporels et de toute autre forme de punitions cruelles ou dégradantes, dans leur législation civile ou pénale, est nécessaire afin de rendre absolument clair qu’il est tout aussi illégal de frapper ou de « claquer » ou de « fesser » un enfant qu’un adulte et que le droit pénal en matière d’agression s’applique également à une telle violence, qu’elle soit qualifiée de « discipline » ou de «correction raisonnable».
«Une fois que le droit pénal s’applique pleinement aux agressions subies par les enfants, l’enfant est protégé contre les châtiments corporels où qu’il se trouve et quel que soit l’auteur de l’infraction …iv »
L’absence de la mention des « châtiments » corporels dans la loi ne répond donc pas aux demandes internationales de faire figurer de façon claire et explicite leur abolition dans la loi française.
Ce manque de précision et cette absence de clarté font que l’article 68 de la loi Egalité et citoyenneté ne change rien à la législation française et que les châtiments corporels ne sont toujours pas abolis en France.
La France est donc passée à côté d’une occasion historique de rejoindre les 51 pays dans le monde – dont la quasi-totalité des pays européens – qui ont déjà aboli légalement les châtiments corporels dans l’éducation familiale.
Tout reste donc à faire en ce domaine.
La Coordination pour l’éducation à la non-violence et à la paix rappelle la résolution de son assemblée générale du 18 avril 2009 demandant « au gouvernement et au parlement français d’adopter une loi qui introduise dans le Code civil l’obligation d’une éducation des enfants sans violence, en prohibant en particulier les châtiments corporels et les traitements humiliants dans l’éducation familiale » et réaffirme qu’il est urgent que la France ne soit plus une exception en Europe en continuant à ne pas interdire, par une loi claire et explicite, les châtiments corporels dans l’éducation familiale.
Paris, le 10 janvier 2017
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i Le texte complet de la loi : http://www.assemblee-nationale.fr/14/ta/ta0878.asp
ii Cf. Martine Herzog-Evans, « Châtiments corporels : vers la fin d’une exception culturelle ?» dans Les châtiments corporels, dossier n° 212, Actualité Juridique Famille, n° 6, juin 2005, p. 212-220.
iii « Law reform to prohibit corporal punishment means ensuring that children are legally protected from assault just as adults are – even when the assault is inflicted in the guise of « discipline » or « correction ». Corporal punishment must be prohibited in all settings of children’s lives, including the family home, alternative care settings, day care, schools, penal institutions and as a sentence for crime under state, customary and religious law. Prohibition is achieved when
– all defences and authorisations of corporal punishment are repealed, and
– legislation explicitly prohibits all corporal punishment and other cruel and degrading punishment. »
Sources : http://www.endcorporalpunishment.org/prohibiting-corporal-punishment/law-reform/what-law-reform-means.html. La traduction est de la Coordination.
iv « As the Committee on the Rights of the Child explains in its General Comment No. 8:
« In the light of the traditional acceptance of violent and humiliating forms of punishment of children, a growing number of States have recognized that simply repealing authorization of corporal punishment and any existing defences is not enough. In addition, explicit prohibition of corporal punishment and other cruel or degrading forms of punishment, in their civil or criminal legislation, is required in order to make it absolutely clear that it is as unlawful to hit or ‘smack’ or ‘spank’ a child as to do so to an adult, and that the criminal law on assault does apply equally to such violence, regardless of whether it is termed ‘discipline’ or ‘reasonable correction’.
« Once the criminal law applies fully to assaults on children, the child is protected from corporal punishment wherever he or she is and whoever the perpetrator is…. » »
La traduction est de la Coordination.
Le communiqué au format pdf est disponible sur ce lien