Nov 172015
 

Peace for Paris

Les petits enfants ne savent pas trop bien quoi faire dans leur tête pendant la minute de silence. Si quelques uns savent des prières parce qu’ils ont été élevés dans une religion, ce n’est pas le cas de la majorité des enfants. Nous avons tout intérêt à les préparer, pour qu’ils vivent ce moment demain sereinement.

Avant la minute de silence, ils vont échanger avec l’enseignant. C’est fondamental. Nos enfants ont vécu le stress des attentats. Même si certains d’entre nous ont tenté de les protéger en ne les exposant pas aux images qui passent en boucle sur les écrans, il est peu probable qu’ils n’en aient vu aucune. Or les images imprègnent la psyché. Les enfants, comme nous, ont besoin de les digérer, et pour cela d’en parler. Pour parler de quelque chose de traumatique et difficile, mieux vaut être côte à côte que face à face. L’enfant sera plus à l’aise s’il peut manipuler quelque chose. Dans ses mains, soit une peluche, soit de la pâte à modeler qu’il puisse écraser à volonté, de la pâte à pain, soit de vieux journaux ou des bottins à déchirer, ou du papier et des feutres ou des crayons pour dessiner. Il est important de ne rien attendre de spécial, de ne pas faire pression sur les enfants. Vous êtes là, disponible, mais s’ils ne veulent pas en parler, il est important de respecter. Vous pouvez tout de même dire ce que ça vous fait à vous ! Ne restez toutefois pas centré(e) sur vous. Vous avez tout avantage à vite glisser vers le ON. « Quand on voit tant de gens par terre qui sont morts et blessés on se sent triste. On a envie d’aider les blessés. On se sent impuissant et on aimerait faire quelque chose… » etc. Parler en Je, c’est utile dans certaines circonstances, pas ici. Il est important d’ancrer l’idée qu’ils ont le droit de se sentir comme ça aussi, que c’est naturel et humain. Le On est inclusif et confortable. Le Tu risque d’être vécu comme excluant et culpabilisant. Comme si on était différent des autres si on sent ceci ou cela.

S’ils sont désireux de parler, vous pouvez commencer par leur demander de décrire ce qu’ils ont vu, puis leur demander ce que ça leur fait, ce qu’ils sentent (proposez leur de décrire les sensations que cela produit dans leur corps). Manifestez votre empathie en reformulant avec des généralisations… « Ta poitrine se serre, oui, ça serre la poitrine quand on voit des choses dures. » Ensuite seulement ce qu’ils se disent dans leur tête.

Vous avez déjà, j’imagine, expliqué comme vous le pouviez ce qui s’est passé. En expliquant, même maladroitement, vous ouvrez le dialogue. Mais le plus important n’est pas tant ce que vous dites que ce que l’enfant dit. Il a besoin de mettre en dehors de lui ce qui est à l’intérieur. N’oublions pas tout de même que les enfants verbalisent peu. Leur langage, c’est le jeu, c’est le dessin ! S’ils s’emparent de leurs petites figurines en plastique et les mettent tous par terre, s’ils dessinent des terroristes, des armes et du sang, surtout ne pas les stopper. Etre là, à côté d’eux, écouter. Dans le drame, il y a les terroristes, les victimes, il y a aussi les sauveteurs. L’enfant peut s’identifier au sauveteur dans son jeu. Il a besoin de retrouver du pouvoir personnel.

Venons en à la minute de silence de demain. Vous pouvez guider une petite méditation d’une minute à laquelle il pourra penser demain à l’école.

Tout humain a deux besoins fondamentaux : se sentir connecté à autrui et se sentir puissant. Pour se sentir connectés, nous allons proposer à l’enfant de nous tenir la main. Il pourra tenir la main d’un camarade ou proposer que toute la classe se donne la main demain matin. Face à ces attentats, on se sent tous impuissants. L’enfant aussi. Nous glisserons donc dans notre méditation quelque chose sur la force qu’on peut sentir en soi.

Vous pouvez vous inspirer de ces mots :

Je ferme les yeux pour rentrer à l’intérieur de moi.

Je respire.

Je sens ta main dans la mienne. Et ma main dans la tienne.

Je sens que j’inspire, je sens que j’expire.

Je sens ta main dans la mienne. Et ma main dans la tienne.

Nous sommes ensemble.

Des gens ont été tués. Des gens ont tué. Je respire et je sens ta main dans la mienne et ma main dans la tienne.

J’envoie de l’amour aux gens qui ont été tués.

Peut être j’envoie des cœurs, ou de la lumière, je me fais les images que je veux pour envoyer de l’amour.

J’envoie de l’amour aux gens qui ont été blessés et qui sont encore à l’hopital.
J’envoie de l’amour à tous les gens qui ont eu peur et qui sont tristes.
Je m’envoie de l’amour à moi parce que j’ai eu peur et que je suis triste.

Je me sens fort, parce que j’envoie de l’amour.

Je sens que j’inspire, je sens que j’expire.

Je sens ta main dans la mienne. Et ma main dans la tienne.

J’envoie de l’amour aux gens qui ont tué. C’étaient des jeunes qui n’avaient pas assez d’amour en eux, qui voulaient exister.

Je sens que j’inspire, je sens que j’expire.

Je sens ta main dans la mienne. Et ma main dans la tienne.

Nous sommes ensemble.

Je vois dans ma tête les images que j’ai vu à la télé et je les mets dans une bulle. Puis je regarde la bulle s’envoler dans le ciel.

Je me sens fort parce que j’envoie de l’amour.

Je sens que j’inspire, je sens que j’expire.

Je sens ta main dans la mienne. Et ma main dans la tienne.

Nous sommes ensemble.

Quand ils le désireront, dans quelques jours, vous pouvez leur proposer d’envoyer un dessin (vous pouvez le poster avec l’adresse que l’enfant choisira), de faire un petit rituel pour dire aux victimes, à toutes les victimes, ce qu’ils ont envie de leur dire. Cela leur donnera quelque chose à faire. Or faire quelque chose, être actif, donner, nous répare.

Bonne connexion avec vos enfants !

Isabelle Filliozat
Psychologue, écrivaine